L’inspection du travail pourra appliquer une amende à un employeur qui ne mettra pas en télétravail ses salariés quand c’est possible, a annoncé la ministre du Travail ce mardi. Son montant pourrait atteindre 2.000 euros par employé. La mesure fera l’objet d’un amendement au projet de loi instaurant le passe vaccinal.
En matière de télétravail, le Premier ministre n’avait pas tout dit lundi soir, lors de la conférence de presse qu’il a donnée à l’issue du Conseil de défense sanitaire. Jean Castex a annoncé le passage à trois jours obligatoires et un quatrième recommandé à compter du 3 janvier. La mesure sera transposée dans une nouvelle version du protocole sanitaire d’ici à jeudi, a confirmé la ministre du Travail, Elisabeth Borne, aux partenaires sociaux lors d’une audioconférence ce mardi.
Mais Elisabeth Borne leur a aussi annoncé une autre mesure qui va muscler la valeur juridique du protocole sanitaire : l’instauration d’une amende administrative pour les employeurs qui ne respecteraient pas la nouvelle règle pour tous les salariés qui le peuvent. « Les remontées de l’inspection du travail montrent que certaines entreprises restent réfractaires », justifie-t-on dans son entourage.
Pour le moment, le protocole ne dispose d’aucune valeur législative comme l’a rappelé le Conseil d’Etat. Les inspecteurs du travail disposent donc d’une seule arme juridique en cas de contrôle d’une entreprise récalcitrante : la possibilité de la mettre en demeure pour non-respect des mesures sanitaires.
L’amende qui va être instaurée pourrait se monter à 2.000 euros par salarié pouvant télétravailler et « sera à la main du directeur régional du travail », précise un des participants à la réunion avec la ministre, qui y voit une façon de rendre le protocole obligatoire. A ce stade, « les montants de l’amende administrative pour non-respect du protocole sanitaire en entreprise ne sont pas arbitrés », précise de son côté le ministère du Travail.
Les entreprises ont cependant un peu de répit avant qu’elle n’entre en vigueur puisque la mesure fera l’objet d’un amendement au projet de loi instaurant le passe vaccinal présenté lundi en Conseil des ministres et dont l’examen va démarrer au Parlement ce mercredi. L’objectif est une entrée en vigueur de ce texte le 15 janvier.
Même si la procédure parlementaire s’annonce éclair, l’obligation renforcée de télétravail n’est censée s’appliquer que les trois premières semaines de janvier, soit jusqu’au 24, ce qui limitera la fenêtre d’application du dispositif de sanction. Sauf en cas de prolongation. « Quoi qu’il en soit, la mesure sera désormais inscrite dans la loi pour la suite », souligne un syndicaliste.
Le retour de la jauge de télétravail assortie désormais d’une sanction financière n’a pas ravi les organisations patronales, c’est le moins que l’on puisse dire. « On comprend qu’il faut que le télétravail monte en puissance mais on aurait préféré que l’exécutif joue la confiance sachant que la situation n’est pas tout à fait la même à Paris, en province et en zone urbaine, et en zone rurale », résume le président de la CPME, François Asselin.
« Le Medef prend acte de la mise en place du télétravail mais cela s’est fait sans notre accord », explique de son côté son président. Autre chose est l’instauration d’une amende administrative « non concertée » que Geoffroy Roux de Bézieux « a découvert en séance ». Il est « d’autant plus furieux que depuis quelques semaines, des inspecteurs du travail intervenant dans des entreprises veulent imposer le télétravail sur certains postes alors que le protocole sanitaire précise bien que leur définition est à la main de l’entreprise ».
Du côté des syndicats, qui se félicitent tous du non-retour au 100 % télétravail, on accueille a contrario favorablement l’instauration d’une amende. « Cela met un peu plus la pression », souligne Michel Beaugas de Force ouvrière.
« Sur le principe, c’est une bonne mesure, mais les inspecteurs du travail sont si peu nombreux que leur capacité de contrôle est faible ; je crois plus dans la capacité de nos équipes syndicales à les mobiliser qu’au contrôle aléatoire », explique le leader de la CFDT, Laurent Berger. « 90 % des entreprises sont diligentes en matière de télétravail, celles qui ne le sont pas sont peu nombreuses, c’est à elles que la mesure est destinée », juge François Hommeril, le président de la CFE-CGC.