Avoir un bureau fixe n’est plus une nécessité pour certains employés laissés libres de changer de pays. Bien que la généralisation forcée du télétravail pendant la pandémie de Covid-19 ait ouvert le champ des possibles en matière de mode de fonctionnement, la plupart des salariés ont depuis repris le chemin du bureau, avec plus ou moins d’entrain.
Certaines entreprises, notamment dans le digital, jouent toutefois les électrons libres en basant leur modèle sur le « full remote », autrement dit avec des effectifs 100 % à distance. Un cadre souple qui attire de plus en plus de jeunes actifs souhaitant associer carrière et découverte du monde.
D’après une enquête YouGov, réalisée en 2021 pour le cabinet de recrutement Nicholson Search & Selection, 61 % des 18-34 ans sont favorables à un emploi effectué en totalité en distanciel. Les avantages d’un télétravail correctement organisé sont en effet nombreux en termes de productivité, de souplesse horaire ou encore de conciliation entre vie privée et professionnelle.
Mais il y a également un autre intérêt potentiel à travailler à distance : déplacer son bureau où bon nous semble ! C’est ce qu’on appelle le nomadisme, un phénomène à la marge mais qui a de quoi faire rêver plus d’un globe-trotteur puisque les travailleurs peuvent changer plusieurs fois de régions ou même de pays au cours de l’année, et ce, indépendamment de leurs congés. « Le nomadisme fait fi des lieux géographiques », résume ainsi Céline Méchain, DRH pour la scale-up Platform.sh, une société d’ingénierie informatique œuvrant sur le cloud.
À l’heure où les modes d’organisation du travail sont aussi divers que variés, il ne faut pas tout confondre. On ne parle pas ici des télétravailleurs qui vont de temps en temps à l’espace de coworking de leur quartier ni de ceux qui choisissent de s’expatrier durablement à l’étranger et encore moins de ceux qui voyagent pour leur métier.
Le nomadisme désigne des actifs qui profitent du fait de travailler à distance pour passer quelques semaines ou quelques mois dans d’autres régions du monde, sans pour autant changer de domicile fiscal. Une opportunité auparavant essentiellement réservée aux freelances et indépendants, et qui s’est étendue aux salariés grâce à la démocratisation du télétravail.
« On reçoit des demandes de personnes qui veulent suivre le soleil en passant une partie de l’année dans les pays scandinaves, puis l’autre dans le Sud ou encore des collaborateurs qui souhaitent entreprendre un tour du monde sans pour autant faire de pause dans leur carrière », nous explique Céline Méchain. Riche en découverte culturelle et en authenticité, cette expérience permet ainsi de vivre comme les locaux pour dépasser le simple voyage touristique.
Avant de vous envoler vers une destination exotique, il convient cependant de redescendre sur terre car tout le monde ne peut pas prétendre à ce genre d’immersion. Le nomadisme n’est en effet pas concevable dans une entreprise fonctionnant en présentiel, même à mi-temps (le fameux travail hybride). Et quand bien même elle opère en 100 % télétravail, encore faut-il qu’elle accepte vos changements de localisation successifs qui impliquent certaines démarches de l’employeur, notamment en termes d’assurance, et peuvent parfois aller de pair avec une modification du fuseau horaire et donc de vos heures de travail !
Plus largement, ce genre de souplesse organisationnelle convient donc plutôt aux entreprises du digital, a fortiori lorsqu’elles sont développées en full remote à l’international puisque leurs effectifs sont déjà éparpillés aux quatre coins du monde.
Et même dans une société comme Platform.sh, forte de quelque 350 collaborateurs dans 35 pays, ce type d’expérience n’intéresse qu’une poignée de personnes. Selon la DRH de la scale-up : « Les demandes de nomadisme que l’on reçoit ne concernent que des profils juniors, qui n’ont pas encore d’enfants scolarisés, et qui souhaitent découvrir d’autres cultures sur une ou deux années. Ce n’est pas un mode de vie pérenne ».
Si le nomadisme pose de nombreuses questions pratiques et surtout juridiques, notamment au regard du droit du travail qui ne reconnaît pas encore ce mode d’organisation, les acteurs du tourisme et des logements temporaires ont quant à eux bien compris le potentiel de ce phénomène. On voit ainsi fleurir un peu partout des résidences partagées en coliving, pensées exprès pour accueillir des travailleurs sur de courtes durées, ou encore des programmes hôteliers destinés aux télétravailleurs en longs séjours, sans parler des visas dédiés mis en place dans certaines destinations exotiques.